Dans de nombreux romans romantiques, on lit que lorsque l’un des amants meurt, l’autre vit éternellement dans sa mémoire et peut parfois prendre des mesures extrêmes pour le rejoindre dans l’au-delà. Bien que cette idée puisse sembler fantastique, l’Inde—un pays souvent considéré comme une terre de merveilles—prend ces questions au sérieux à travers la pratique du Sati. Cette tradition étrange implique qu’une veuve s’immole sur le bûcher funéraire de son mari décédé, sous la croyance qu’ils continueront leur vie ensemble dans l’au-delà. Malgré la folie de cette idée, de nombreux habitants locaux la considèrent comme un acte héroïque et courageux, un profond témoignage de la dévotion d’une femme envers son mari. Au fil des années, cette tradition a causé la mort de milliers de femmes à travers le pays, poussant les autorités à criminaliser et à imposer des peines sévères à ses auteurs.
Le terme « Sati » dans les textes indiens et le sanskrit signifie « la femme pure et chaste » et est lié à la déesse Sati, l’épouse du dieu Shiva. Selon la mythologie hindoue, le père de Sati, le dieu Daksha, détestait Shiva, et en signe de protestation, Sati s’immola tout en priant pour renaître en tant qu’épouse de Shiva. Ce conte légendaire est souvent cité comme justification de la pratique, considérée comme une démonstration de l’amour et de l’unité entre les époux. Cependant, cette justification est défaillante, car la Sati dans le mythe n’était pas une veuve et était, selon leurs croyances, une déesse avec des capacités surnaturelles, contrairement aux êtres humains ordinaires.
Historiquement, le Sati était initialement pratiqué comme un acte volontaire, démontrant la loyauté d’une épouse en suivant son mari dans l’au-delà. Avec le temps, il est devenu une tradition obligatoire en raison des croyances sociales selon lesquelles les veuves étaient des fardeaux pour la communauté, surtout si elles n’avaient pas d’enfants. Les femmes étaient poussées à pratiquer le Sati sous la croyance que la femme qui le faisait mourrait pure et aurait ainsi une meilleure réincarnation, étant donné leur croyance en la réincarnation. Le Sati n’était pas pratiqué si la veuve était enceinte ou avait de jeunes enfants.
Les archives historiques suggèrent que le Sati a commencé avant notre ère, avec des preuves documentées à partir de la période de l’Empire Gupta. Il s’est répandu de l’Inde au Népal, puis plus tard au Rajasthan. Initialement limité aux familles royales, un monument appelé « Pierre de Sati » a été érigé pour les reines mortes de cette manière. Avant leur mort, les reines laissaient souvent leurs empreintes de mains sur le mur pour être rappelées comme des épouses courageuses et dévouées. Ce monument reste dans le fort Mehrangarh. Avec le temps, la pratique s’est répandue aux classes sociales inférieures et a atteint son apogée entre les XVe et XVIIIe siècles. Les estimations indiquent qu’environ 1 000 femmes étaient brûlées vivantes chaque année. L’horreur de cette tradition a conduit à son interdiction à diverses reprises, à commencer par l’empereur moghol Akbar en 1582, suivi par les colonisateurs portugais, français et britanniques, qui ont édicté des lois strictes pour l’interdire en 1850. Le gouverneur britannique Sir Charles Napier a ordonné l’exécution de tout prêtre hindou présidant de telles cérémonies.
De nos jours, malgré une prise de conscience accrue, cette pratique abominable n’a pas totalement disparu. En 1987, dans le village de Dourala, au Rajasthan, une femme de 18 ans nommée Roop Kanwar a été forcée de pratiquer le Sati lorsque son mari est décédé huit mois après leur mariage. Malgré son refus de se soumettre à cette coutume atroce, des villageois l’ont droguée et brûlée vivante. Après une enquête, les responsables ont été arrêtés, et le gouvernement a mis en place une législation criminalisant la pratique, avec des peines allant jusqu’à la mort pour quiconque forçait ou encourageait une femme à pratiquer le Sati. Cependant, malgré ces lois protectrices, certaines veuves continuent de choisir le Sati, avec au moins quatre cas enregistrés entre 2000 et 2015.
Les méthodes de pratique du Sati varient. Parfois, la femme s’assoit sur le bûcher funéraire de son mari ou s’allonge à côté de son corps. Dans d’autres cas, une petite hutte est construite où la femme et son mari sont brûlés ensemble, ou le mari est placé dans un trou de flammes, et l’épouse y saute alors qu’elle brûle encore. Parfois, la femme peut être autorisée à ingérer du poison ou des drogues, ou être exposée à des serpents venimeux pour ne pas être pleinement consciente pendant la combustion.